Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : Mil­lé­na­risme, uto­pie et révo­lu­tion

Article publié le 29 Oct 2011 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

John Gray, pro­fes­seur de « Pen­sée euro­péenne » à la Lon­don School of Eco­no­mics, a une  capa­ci­té à attri­buer des titres attrac­tifs à ses oeuvres (par exemple, en 2002 : Straw Dogs : Thoughts on Humans and Other Ani­mals, 2002 – Chiens de paille : pen­sées sur les humains et autres ani­maux) que l’on peut mettre en rela­tion avec une pro­pen­sion à pré­sen­ter des sujets de recherche de manière exces­si­ve­ment sché­ma­tique et, sou­vent, sans fon­de­ment appro­prié. John Gray emploie simul­ta­né­ment plu­sieurs registres : aca­dé­mique, jour­na­lis­tique, et passe de l’argument au plai­doyer avec une faci­li­té décon­cer­tante. De ce fait, la rigueur que l’on est en mesure d’attendre de ce type d’essai en est sou­vent absente. Cette ten­dance au plai­doyer poli­tique s’explique par une idée fixe de l’auteur, celle de démon­trer que le libé­ra­lisme éco­no­mique est un « péché » sécu­lier et le der­nier grand drame de l’histoire de l’humanité. Son rejet du capi­ta­lisme libé­ral est lui-même fon­dé sur un autre objec­tif : ne pas vou­loir concé­der à l’Occident une spé­ci­fi­ci­té qui pour­rait le dif­fé­ren­cier d’une autre culture. Comme tant d’auteurs actuels, sa pen­sée dénote un res­sen­ti­ment à l’égard des conte­nus uni­ver­sels qu’a dif­fu­sés la culture occi­den­tale.
Ceci appa­raît de manière évi­dente dans Straw dogs, où il cri­tique l’humanisme, l’anthropocentrisme et le pro­grès, qu’il consi­dère comme des idées moyen­âgeuses et caduques pour la socié­té contem­po­raine.
Pour cette rai­son, il y a lieu de pen­ser que sa cri­tique de la glo­ba­li­sa­tion cache quelque chose d’autre. S’agissant de l’ouvrage dont nous trai­tons dans cette note, Black Mass ((. Black Mass. Apo­ca­lyp­tic reli­gion and the death of Uto­pia [2007], Pen­guin Books Londres, 2008 ; ouvrage inédit en tra­duc­tion fran­çaise, ver­sion en espa­gnol : Misa Negra. La reli­gión apo­calíp­ti­ca y la muerte de la utopía (Paidós, Bar­ce­lone, 2008). Les réfé­rences des cita­tions ren­voient à l’édition Pen­guin. L’auteur ne doit pas être confon­du avec son homo­nyme amé­ri­cain, qui a fait for­tune avec les édi­tions suc­ces­sives de son livre de psy­cho­lo­gie bana­li­sée Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus.)) , la thèse pro­po­sée sus­cite de prime abord l’intérêt, puisque l’auteur semble vou­loir démon­trer que la tra­di­tion reli­gieuse peut expli­quer les ava­tars de notre civi­li­sa­tion. Mais, avec une cer­taine sub­ti­li­té, l’ouvrage s’érige pro­gres­si­ve­ment en une pro­fonde cri­tique de la reli­gion, au tra­vers d’un texte très irré­gu­lier dans lequel se mêlent des réflexions sur le mil­lé­na­risme et sur l’essence de la ter­reur révo­lu­tion­naire, entre­mê­lées de phi­lip­piques contre Bush, That­cher ou Blair. Il n’empêche que ce livre contient une série d’intuitions qui, si elles avaient été déve­lop­pées cor­rec­te­ment, feraient de lui un essai plus qu’intéressant. Nous pré­sen­te­rons ci-après quelques-uns de ses points forts et de ses points faibles. […]

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