Revue de réflexion politique et religieuse.

Lec­ture : Le pain ou les tranches

Article publié le 4 Juil 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Le 18 jan­vier der­nier, Benoît XVI a accep­té la démis­sion du car­di­nal Dan­neels du siège de l’archevêché de Malines-Bruxelles, pour rai­son de limite d’âge atteinte. A cette occa­sion, un ouvrage d’entretiens a été réa­li­sé quelques mois plus tôt, entre le car­di­nal, alors encore pri­mat de Bel­gique, et les jour­na­listes Chris­tian Laporte et Jan Becaus, ouvrage au titre quelque peu trom­peur : Confi­dences d’un car­di­nal.
Ety­mo­lo­gi­que­ment, confi­dence vient du latin confi­dere : avoir confiance. Avec un tel titre, le lec­teur peut nor­ma­le­ment espé­rer que le car­di­nal, mis en confiance par ses deux inter­vie­weurs, va effec­ti­ve­ment se confier, dire des choses qu’il n’a jamais évo­quées, des points de vue res­tés jusqu’à pré­sent enfouis dans un repli de sa conscience, mais que, l’âge aidant, une cer­taine audace libé­re­rait pour que, enfin, nous puis­sions connaître ce que cet homme répu­té « consen­suel » a réel­le­ment sur le coeur… Pata­tras ! Il n’en est rien, et les confi­dences sont à ce point insi­gni­fiantes que même les jour­naux,
lors de la sor­tie de l’ouvrage, durent se conten­ter, entre autres, de cette sor­tie fra­cas­sante : le car­di­nal hait celui qui a inven­té les sou­tanes et leur cohorte de petits bou­tons !
Cepen­dant, dire que l’ensemble des pro­pos se résu­me­rait à si peu ne serait pas hon­nête. En effet, il y a, pour l’historien des men­ta­li­tés, un maté­riau non négli­geable. Pour­quoi ? Parce que le car­di­nal, par ses dits, mais peut-être encore plus par ses non-dits, nous apporte des élé­ments sur sa per­sonne, mais aus­si sur la men­ta­li­té qui habite nos clercs depuis qua­rante ans, en Bel­gique et même au-delà. Un exemple : le chan­ge­ment.
Nom­breux sont les socio­logues paten­tés qui nous disent com­bien nos socié­tés modernes ne vivent plus sur la sta­bi­li­té des moeurs, des normes, des ins­ti­tu­tions, mais bien sur leur insta­bi­li­té per­ma­nente. Qui­conque ne suit pas cette logique est répu­té au mieux conser­va­teur, au pire fas­ciste. Il faut que ça change, non pas dans un but pré­cis, ou plu­tôt si, dans un seul but : celui que ça change ! Notre pri­mat, qui devrait être dans le monde mais pas du monde (Jn 17, 14), semble s’inscrire dans cette logique, notam­ment quand il déplore que les évêques ne prennent pas plus d’initiatives, par manque de cou­rage… (« cela change certes mais alors tel­le­ment len­te­ment »). A contra­rio, il est convain­cu que l’« on est allé trop vite après le concile dans la pré­sen­ta­tion de ses acquis », notam­ment auprès des fidèles, les­quels furent débous­so­lés. En fait, il fal­lait savoir ce qu’on leur don­nait, usant, afin d’illustrer son pro­pos, de cette belle image d’un pain qu’il ne fal­lait pas don­ner tout entier, mais bien par tranches. « Je l’ai tou­jours dit : on ne peut pas tout déver­ser dans le cer­veau des gens parce qu’ils n’ont pas tous les outils pour com­prendre. Cela rime donc à quoi de les ennuyer à pro­pos de tout ? » […]

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