Revue de réflexion politique et religieuse.

Pic de La Miran­dole. Genèse de la concep­tion moderne de la digni­té humaine

Article publié le 10 Avr 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

L ’iden­ti­fi­ca­tion entre la digni­té humaine et la liber­té — et la liber­té  comme auto­dé­ter­mi­na­tion — trouve dans l’Ora­tio de homi­nis digni­tate de Pic de La Miran­dole une for­mu­la­tion qui ne ren­seigne pas seule­ment sur une époque par­ti­cu­lière de l’histoire mais qui consti­tue bien une pre­mière théo­ri­sa­tion, sous divers aspects déjà suf­fi­sam­ment défi­nie. Cette concep­tion consti­tue, de manière plus emblé­ma­tique encore que celle de Kant — comme il semble que l’on puisse dès main­te­nant le noter —, le para­digme plus ou moins expli­cite de la vision moderne de la digni­té humaine sur la base de laquelle vont se décli­ner les droits de l’homme1 jugés fon­da­men­taux dans nos sys­tèmes contem­po­rains.
On a dit, en effet, que « les droits de l’homme de l’humanisme laïque sont les fils de la tra­di­tion anti­sco­las­tique com­men­cée avec la frac­ture opé­rée par l’esprit de la Renais­sance. La signi­fi­ca­tion de cette frac­ture est expri­mée de manière claire et pro­gram­ma­tique dans le célèbre pas­sage de l’Oratio de homi­nis digni­tate de Jean Pic de La Miran­dole, où est mis en lumière le carac­tère indé­fi­ni de l’homme dans l’ordre de la créa­tion et lui est assi­gnée la tâche de déter­mi­ner par ses propres forces ce qu’il entend être ». Il est clair, donc, que si les droits de l’homme ont pour assise la consi­dé­ra­tion de l’humanité de l’homme, et donc de sa digni­té, et si celle-ci s’identifie avec son essen­tielle liber­té d’autodétermination, enten­due comme capa­ci­té de se don­ner à soi-même sa propre déter­mi­na­tion essen­tielle, les droits de l’homme consis­te­ront dans la recon­nais­sance et la garan­tie de la liber­té de s’autodéterminer, quel que soit le conte­nu auquel elle a le désir de se por­ter à un moment don­né.
En sorte que, pour reprendre une obser­va­tion inci­sive, « les “droits de l’homme” tels qu’ils sont his­to­ri­que­ment appa­rus et ont ensuite été affir­més tendent à sau­ve­gar­der la “digni­té de la per­sonne”, mais celle-ci est géné­ra­le­ment conçue uni­que­ment comme liber­té, autre­ment dit comme liber­té néga­tive. En d’autres termes, on consi­dère que la “nature” humaine, c’est la liber­té ». Dans ce sens émerge l’irréductible
signi­fi­ca­tion de la moder­ni­té (et de là les droits qui lui sont co-essen­tiels), qui iden­ti­fie la digni­té humaine (de soi une notion amphi­bo­lo­gique, dans la mesure où elle est sus­cep­tible de sens divers et oppo­sés) avec la liber­té, et celle-ci à son tour avec l’essence même de l’homme. […]

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