Revue de réflexion politique et religieuse.

Sur deux approches de l’idéologie nazie

Article publié le 5 Jan 2010 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Après avoir été très long­temps regar­dé comme un bloc mono­li­thique sans failles — image répon­dant par­fai­te­ment à l’exécration abso­lue dont il devait faire l’objet —, le régime natio­nal-socia­liste appa­raît aujourd’hui, aux yeux de l’historiographie la plus sérieuse et la mieux infor­mée, comme « une forme moderne d’anarchie féo­dale ». Cette for­mule est de Ian Ker­shaw, sans doute le prin­ci­pal bio­graphe, avec Joa­chim Fest, d’Adolf Hit­ler. Pour sa part, un jeune his­to­rien alle­mand a évo­qué, en des termes très proches, une « poly­cra­tie “néo­féo­dale” » [Il s’agit de Wer­ner Bräu­nin­ger, né en 1965, et auteur, entre autres ouvrages, d’un livre sur le milieu où se for­ma la figure de proue des conju­rés du 20 juillet 1944 (Claus von Stauf­fen­berg. Die Genese des Täters aus dem Geiste des Gehei­men Deut­schland, Karo­lin­ger Ver­lag, Vienne, 2002), d’un essai sur les oppo­sants à Hit­ler au sein du par­ti nazi (Hit­lers Kon­tra­hen­ten in der NSDAP. 1921–1945, Her­big Ver­lag, Munich, 2004), enfin d’une série de por­traits de repré­sen­tants de l’« émi­gra­tion inté­rieure » ou bien de com­pa­gnons de route du régime nazi (Ich wollte nicht dane­ben stehen…Lebensentwürfe von Alfred Baeum­ler bis Ernst Jün­ger, Ares Ver­lag, Graz, 2006). Voir éga­le­ment l’important entre­tien (« Le natio­nal-socia­lisme, une poly­cra­tie “néo­féo­dale” ») que Bräu­nin­ger a accor­dé à la revue Nou­velle Ecole, n° 58, 2009, pp. 151–161.]. Ces expres­sions tentent de résu­mer ce qu’était la situa­tion réelle sous le Troi­sième Reich : der­rière la façade uni­taire sur­plom­bée par la figure cha­ris­ma­tique du Füh­rer, der­rière l’unicité pro­cla­mée par des slo­gans comme Ein Volk, ein Reich, ein Füh­rer !, plu­sieurs fac­tions et groupes de pou­voir ne ces­saient de s’affronter.
Du côté de l’idéologie, la situa­tion était ana­logue, don­nant (rétros­pec­ti­ve­ment du moins) un sen­ti­ment de grande confu­sion : apo­ca­lyp­tisme racial et rêves impé­ria­listes de Hit­ler, ger­ma­nisme néo­païen de Himm­ler, rura­lisme archaï­sant et « nor­di­ciste » de Wal­ther Dar­ré, « roman­tisme d’acier » de Goeb­bels, repré­sen­tant de l’aile « moder­niste » du régime, sans oublier la « pneu­ma­to­lo­gie raciale » du théo­ri­cien offi­ciel, Alfred Rosen­berg. Mais tan­dis que le pre­mier domaine — la mul­ti­pli­ci­té des centres de pou­voir après le 30 jan­vier 1933 — est désor­mais assez bien étu­dié, la recherche en langue fran­çaise sur le second domaine, celui de l’idéologie, reste par­ti­cu­liè­re­ment pauvre.

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