Revue de réflexion politique et religieuse.

Le meilleur régime ?

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Depuis l’effondrement du sys­tème socia­liste dans les Etats ayant fait par­tie de l’Union sovié­tique et dans ceux de l’Europe cen­trale et orien­tale, la fin de la guerre froide est appa­rue à beau­coup comme le moment du triomphe défi­ni­tif des idéo­lo­gies et des ins­ti­tu­tions démo-libé­rales. On s’est dit proche de l’avènement d’une nou­velle ère de féli­ci­té et d’un nou­vel ordre mon­dial, tout cela résul­tant d’une action humaine indé­pen­dante de tout secours sur­na­tu­rel. Dans le monde meilleur que l’on atten­dait, cha­cun devait être garan­ti dans les droits rele­vant des trois caté­go­ries libé­rale, démo­cra­tique et sociale que sont les liber­tés per­son­nelles, la par­ti­ci­pa­tion effec­tive au gou­ver­ne­ment de la com­mu­nau­té à laquelle on appar­tient, et un niveau de vie digne.
Mais à ce pre­mier moment de grandes espé­rances a suc­cé­dé une grande dés­illu­sion. Il est bien dif­fi­cile aujourd’hui d’assurer simul­ta­né­ment la paix et le res­pect des droits de l’homme sur l’ensemble de la pla­nète : par­tout se ren­contrent des résis­tances et sur­gissent des conflits locaux, y com­pris des conflits meur­triers, au point de devoir requé­rir le déploie­ment d’importantes forces armées des Etats-Unis et de leurs alliés. En outre le moins que l’on puisse dire est que le pro­grès des anciens pays com­mu­nistes dans la voie du fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions de la démo­cra­tie libé­rale et de l’économie de mar­ché subit des retards.
Réflé­chir sur la grande dés­illu­sion s’impose à qui veut com­prendre cor­rec­te­ment les condi­tions his­to­ri­co-spi­ri­tuelles du moment pré­sent, sur­tout en ce qui concerne la vita­li­té actuelle des prin­cipes et des ins­ti­tu­tions de la démo­cra­tie libé­rale.
On a écrit que la forme ins­ti­tu­tion­nelle géné­ra­le­ment dénom­mée démo­cra­tie libé­rale, démo­cra­tie clas­sique ou consti­tu­tion­nelle était désor­mais « sans alter­na­tive » dans le monde occi­den­tal ((  Affir­ma­tion du poli­to­logue G. Sar­to­ri, « Sche­ma di rela­zione », in AA.VV., « Demo­cra­zia e pre­si­den­zia­lis­mo », dis­cus­sion, dans la revue Il poli­ti­co (Uni­ver­si­té de Pavie), 1991, p. 205.)) . A la rigueur, c’est dans ces termes qu’on pour­rait prendre en consi­dé­ra­tion l’affirmation selon laquelle une forme déter­mi­née de régime a atteint une pleine pos­si­bi­li­té de se voir réa­li­sée et de per­du­rer dans une cer­taine par­tie du monde, s’appuyant sur la convic­tion des peuples, la culture, et cela au-des­sus de beau­coup d’autres carac­tères, habi­tudes, fac­teurs idéo­lo­giques, sociaux, spi­ri­tuels. En ce qui concerne l’Europe occi­den­tale, on doit ajou­ter que les ins­ti­tu­tions et les garan­ties du droit consti­tu­tion­nel doivent être consi­dé­rées comme un pro­duit du ratio­na­lisme typique de la pen­sée actuel­le­ment domi­nante : ce qui est visé, c’est le pro­jet fon­da­men­tal de sou­mettre à des para­digmes logi­co-for­mels des faits poli­tiques qui, de par leur nature, tendent à échap­per aux pré­vi­sions, cal­culs ou sché­mas.
Et pour­tant ce sont les concep­tions clas­siques qui se pré­sentent à nou­veau, selon les­quelles aucune forme d’organisation éta­tique ou de gou­ver­ne­ment ne peut être consi­dé­rée sur cette terre comme valide, bonne, utile autre­ment que d’une manière contin­gente, rela­tive, liée aux condi­tions his­to­riques et spi­ri­tuelles d’un peuple déter­mi­né à une époque don­née. Selon ces mêmes concep­tions, il n’a jamais jusqu’à ce jour été pos­sible aux hommes de construire un gou­ver­ne­ment pou­vant conve­nir tou­jours et par­tout. L’exigence d’en reve­nir aux maximes les plus antiques de la sagesse poli­tique se ren­force aujourd’hui du fait de l’entrée en déca­dence, que cha­cun recon­naît, de la civi­li­sa­tion « ratio­na­liste » fon­dée sur le pri­mat abso­lu de la rai­son humaine.
Des mêmes ensei­gne­ments clas­siques, il res­sort que les dif­fé­rentes espèces d’organisation de gou­ver­ne­ment suivent la dure loi de toutes les œuvres humaines et sont en consé­quence pas­sa­gères et péris­sables. Le récent écrou­le­ment des struc­tures poli­ti­co-juri­diques liées à l’idéologie com­mu­niste doit être tenu pour un exemple de véri­fi­ca­tion de cette vieille loi. Jusqu’à pré­sent il ne semble pas qu’on en ait four­ni des ana­lyses sûres et com­mu­né­ment accep­tables. On ne peut mettre en doute, en tout cas, le constat de la chute d’une orga­ni­sa­tion poli­tique conçue en termes ratio­na­listes, par­ve­nue à un ter­rible degré de puis­sance, appuyée des décen­nies durant sur le consen­te­ment de mil­lions et de mil­lions de per­sonnes pour­tant dif­fé­rentes dans leurs tra­di­tions et leurs cultures. De l’insuffisance et des défauts des appa­reils et des organes du sys­tème com­mu­niste, on ne sau­rait tirer argu­ment pour démon­trer la per­fec­tion ou l’aptitude à la durée infi­nie d’une quel­conque autre forme poli­tique.

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