Revue de réflexion politique et religieuse.

Numé­ro 142 : L’attente d’une issue

Article publié le 23 Jan 2019 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

L’his­to­rien et socio­logue Pie­tro De Mar­co, s’exprimant dans un entre­tien avec Daniele Mat­zutz­zi dans le jour­nal Il Foglio le 6 sep­tembre 2018, a évo­qué la para­ly­sie, ou l’aphasie régnant après l’échec des attentes qua­si-mes­sia­niques de l’époque conci­liaire. « Après des décen­nies de sub­ver­sion et un pro­jet raté, ce che­min obli­gé n’a eu et n’a qu’un seul résul­tat pour ceux qui sont res­tés dans l’Église : l’immobilisation de la capa­ci­té ori­gi­naire et constante du juge­ment que celle-ci porte sur les hommes qui lui ont été confiés, et le pas­sage pré­vu de la tra­gé­die à la farce : une “révo­lu­tion chré­tienne” […] qui devient une pré­di­ca­tion huma­ni­taire, usée et dépas­sée. Chez le chré­tien, cette immo­bi­li­sa­tion du juge­ment, sous le pré­texte trom­peur de se mettre à l’écoute de l’Évangile et de l’homme, pré­cède géné­ra­le­ment la phase de dépen­dance mimé­tique envers les para­digmes laïques, dans une sorte de fas­ci­na­tion, puis l’éloignement crois­sant d’avec le centre, les fon­de­ments deve­nant étran­gers au croyant. » Il s’agit donc d’un pro­ces­sus d’aliénation pro­gres­sive, de trans­for­ma­tion des âmes chré­tiennes en coquilles vides. Le car­di­nal Mül­ler, dans un autre entre­tien, accor­dé le 21 novembre 2018 à Life­Site News, a com­plé­té ce juge­ment en esti­mant qu’il y a actuel­le­ment dans l’Église une influence ram­pante de l’athéisme, influence qui est cause et effet de la crise qui per­siste depuis cin­quante ans, dont l’un des aspects est d’avoir trans­for­mé des ministres du Christ en fonc­tion­naires de la sécu­la­ri­sa­tion. Cet athéisme est sour­nois, il est avant tout pra­tique, jamais (ou excep­tion­nel­le­ment) expli­ci­te­ment théo­ri­sé, ou alors seule­ment de manière oblique, par adop­tion de juge­ments dic­tés par le monde anti­chré­tien. Les auteurs spi­ri­tuels ont vu dansl’acédie, qui est un dégoût des choses de Dieu, la racine de ce genre de chutes, impu­table à la rou­tine et au lais­ser-aller, ouvrant la voie à l’immoralité char­nelle, châ­ti­ment de l’orgueil, de la vani­té, du désir de plaire. Le fait est que ce qui se passe aujourd’hui illustre net­te­ment cet aban­don de la vigi­lance et ses consé­quences.

La « réforme » entre­prise depuis bien­tôt six ans a redon­né de la vigueur aux pires ten­ta­tions de ser­vi­li­té envers le monde qui avait mar­qué les len­de­mains immé­diats de Vati­can II. Mais, comme le dit Pie­tro De Mar­co, elle est usée, située entre la reprise de thèmes sociaux dépas­sés – migrants, réchauf­fe­ment cli­ma­tique et péri­phé­ries enthou­siasment moins que l’attente mes­sia­nique de la révo­lu­tion sociale, d’autant que si cette der­nière avait pour elle un esprit de com­bat, il n’en va certes pas de même avec ces thèmes rési­duels, essen­tiel­le­ment conven­tion­nels ou sen­ti­men­taux – et la néces­si­té d’accepter les nou­velles exi­gences de la culture domi­nante, ce qui ne peut qu’aggraver la dérive vers le laxisme et la cor­rup­tion morale, à un point beau­coup plus spec­ta­cu­laire qu’il y a un demi-siècle. Ce retour tar­dif est donc déca­lé et n’est pas même arri­vé à se repen­ser sur des bases d’une éla­bo­ra­tion idéo­lo­gique cohé­rente, se conten­tant de reprendre la rhé­to­rique du jour, tri­bu­taire de la pen­sée faible carac­té­ris­tique des décom­po­si­tions de la moder­ni­té tar­dive. En com­pa­rai­son de la période ini­tiale, la dépen­dance est donc net­te­ment accen­tuée. Et si l’éclatement des innom­brables scan­dales pro­fitent à la pro­pa­gande anti­ca­tho­lique, ils n’en sont pas moins res­sen­tis comme ne coïn­ci­dant pas avec l’image jusqu’ici don­née d’un pape Fran­çois encen­sé de toutes parts, mais doré­na­vant pris dans la contra­dic­tion entre fra­cas­santes décla­ra­tions de tolé­rance zéro, et refus de mettre un terme à la pro­mo­tion de per­son­nages scan­da­leux.

Cet état de choses pré­sente para­doxa­le­ment quelques aspects béné­fiques. Le pre­mier et le plus clair d’entre eux est de cla­ri­fier les posi­tions. Non pas tant celle des acti­vistes de Wir sind Kirche, depuis long­temps en rup­ture pra­tique avec la catho­li­ci­té, mais plu­tôt tous ceux qui se sont pré­ci­pi­tés dans l’adhésion à tout ce qui, dans les der­nières années, a ouvert des brèches qu’ils se sont empres­sés d’élargir. À terme plus ou moins rapide, quoique reven­di­quant leur appar­te­nance, sur­tout lorsqu’il s’agit de clercs, voire d’évêques ou de car­di­naux, la rup­ture est humai­ne­ment iné­luc­table. Cha­cun suit son pen­chant, et se sen­tant désor­mais encou­ra­gés, com­ment pour­raient-ils s’arrêter en che­min ? De tels nau­frages sont béné­fiques, au même titre que les héré­sies dont saint Paul affirme qu’elles sont utiles à la mani­fes­ta­tion de la véri­té (cf. 1 Co 11, 19 : « opor­tet hae­reses esse », selon la Vul­gate).

Moins dra­ma­ti­que­ment, mais très heu­reu­se­ment, la même situa­tion signe la fin de l’illusion du modé­ran­tisme. Celui-ci a été carac­té­ri­sé pen­dant des années par l’accumulation de toutes sortes d’arguments léni­fiants, ten­dant à rame­ner les dif­fi­cul­tés à des acci­dents de par­cours, à sau­ve­gar­der les res­pon­sa­bi­li­tés les plus éle­vées pour ne s’en prendre qu’aux subal­ternes, aux mau­vais conseillers, et ain­si de suite. Si une telle atti­tude a pu per­sis­ter depuis cin­quante ans pour détour­ner l’attention et ras­su­rer à bon compte ceux qui s’y com­plai­saient, elle ne peut plus aujourd’hui être main­te­nue sans ridi­cu­li­ser ceux qui l’ont adop­tée. Cer­tains, peut-être, qui ont jusqu’alors fait leurs ces expli­ca­tions ras­su­rantes, ont pu avoir le sou­ci de ne pas juger hâti­ve­ment, de ne pas mettre en cause les auto­ri­tés, ou bien se sont mon­trés pusil­la­nimes, ten­tant de repous­ser l’échéance de devoir adop­ter un par­ti plus tran­ché. Mais aujourd’hui, se rendent compte qu’ils ne peuvent plus s’en tenir à cette sus­pen­sion du juge­ment, ils sont donc ame­nés, au moins à gar­der le silence, par­fois à chan­ger de point de vue, pas­sant d’une longue période d’ inébran­lable a prio­ri favo­rable à la conscience de se trou­ver face à un pro­blème de carac­tère excep­tion­nel, d’une crise qui met en cause un per­son­nage envers qui ils n’auraient jamais ima­gi­né devoir se poser des ques­tions, et grosse d’incertitudes pour l’avenir. Un exemple en ce sens a été der­niè­re­ment don­né par le père Fes­sio, un jésuite diri­geant une impor­tante mai­son d’édition aux États-Unis (Igna­tius Press), jusque-là très atten­tif à exclure toute publi­ca­tion ou expres­sion s’écartant un tant soit peu d’une pru­dente « équi­dis­tance ». Inter­ro­gé le 23 sep­tembre 2018 par un jour­na­liste de CNN, Daniel Burke, désor­mais cho­qué par le silence per­sis­tant oppo­sé aux ins­tances de l’archevêque Car­lo Maria Viganò, ce prêtre, par­lant d’abord de Fran­çois, puis s’adressant à lui, répon­dit : « “Il attaque Viganò et tous ceux qui demandent qu’il lui réponde” […]. “Je trouve cela déplo­rable. Sois un homme ! Debout et réponds aux ques­tions !” » (site CNN, 23 sep­tembre 2018)

Même si une parole publique de ce genre est rare, elle tra­duit une évo­lu­tion, d’ailleurs très com­pré­hen­sible, de la part de clercs pré­oc­cu­pés par la contra­dic­tion fla­grante entre ce que beau­coup espé­raient plus ou moins clai­re­ment d’une « réforme » annon­cée, et la tour­nure fort dif­fé­rente qu’elle prend, réunis­sant désor­ga­ni­sa­tion, divi­sions fla­grantes et scan­dales d’abord niés, puis mol­le­ment ou même pas du tout com­bat­tus. De façon très signi­fi­ca­tive, alors que la ques­tion n’était ces der­nières années mise en avant jusqu’ici que dans de petits cénacles sans valeur intel­lec­tuelle, l’hypothèse de la pos­si­bi­li­té d’un pape héré­tique ou schis­ma­tique fait à nou­veau depuis peu l’objet de dis­cus­sions sérieuses et publiques. Une telle hypo­thèse était jusqu’à main­te­nant délais­sée, aucune étude majeure n’ayant été pro­duite depuis que Charles Jour­net et Yves Congar l’avaient abor­dée, à la notable excep­tion d’un col­loque inter­na­tio­nal (« La dépo­si­tion du pape. Lieux théo­lo­giques, modèles cano­niques, enjeux consti­tu­tion­nels », Sceaux, 30–31 mars 2017). Pou­voir consta­ter que le sujet puisse à nou­veau faire l’objet d’échanges sérieux et d’opinions contras­tées est le signe d’une pré­oc­cu­pa­tion pro­por­tion­née à la nou­velle dimen­sion de la situa­tion. (On peut, entre autres, se réfé­rer ici aux échanges récents entre deux théo­lo­giens ita­liens, Mgr Nico­la Bux et le P. Gio­van­ni Sca­lese, en octobre 2018. L’un tient qu’un héré­tique for­mel, fût-il pape, est par le fait même sor­ti de l’Église ; l’autre qu’il convient de s’en remettre à la pro­messe du Christ, en Lc 18, 7–8 : « Dieu ne ferait pas jus­tice à ses élus qui crient à lui nuit et jour, lui qui use de patience envers eux ? Je vous le dis, il leur fera jus­tice promp­te­ment. » Au-delà de la diver­si­té des opi­nions, le fait témoigne d’une com­mune pré­oc­cu­pa­tion.)

Ces appré­hen­sions sont sen­sibles par­mi beau­coup de catho­liques « du rang ». Même si elles peuvent encou­ra­ger l’intempestivité de cer­tains esprits, Pie­tro De Mar­co sou­ligne encore, dans l’entretien déjà cité, que ceux qui se montrent outrés par la situa­tion « ne sont pas des “conser­va­teurs” au sens ordi­naire du terme, mais sim­ple­ment des catho­liques ». Asser­tion qui contre­dit une ver­sion conve­nue selon laquelle les réformes entre­prises se heur­te­raient aux manœuvres d’un camp orga­ni­sé, d’une sorte de com­plot our­di par quelques membres de la Curie vati­cane, dans une atmo­sphère rap­pe­lant le Da Vin­ci code. Ce thème est res­sas­sé par les ser­vices rap­pro­chés de la com­mu­ni­ca­tion vati­cane, mais aus­si par cer­tains grands médias. Pour en don­ner un simple exemple, The Guar­dian a publié le 27 octobre 2018 un long article du jour­na­liste Andrew Brown, inti­tu­lé « La guerre contre le pape Fran­çois », ain­si résu­mé : « Sa modes­tie et son humi­li­té ont fait de lui une figure popu­laire autour du monde. Mais à l’intérieur de l’Église, ses réformes ont ren­du furieux les conser­va­teurs et mis le feu à la révolte. » Tout au contraire, répond Pie­tro De Mar­co : « C’est pour des motifs de foi que les per­sonnes ne peuvent pas accep­ter cette sorte de vente pro­mo­tion­nelle de la réa­li­té et de la véri­té catho­liques, à laquelle le pape acquiesce (en tant que pape !) depuis plu­sieurs années, comme pen­dant des années l’ont fait de la même manière des évêques, des clercs, des laïcs, des reli­gieux et reli­gieuses, à l’abri de l’esprit du Concile. Cette constel­la­tion “résis­tante” est moti­vée inté­rieu­re­ment, mais elle est dis­per­sée et dif­fé­ren­ciée, et il n’est pas rai­son­nable de pen­ser qu’elle est coor­don­née ou res­pon­sable de “coups”, ou pour dire mieux, d’initiatives cri­tiques pro­mues par des per­son­na­li­tés influentes. Autant que je sache, il n’y a pas de conti­nui­té, sinon spo­ra­dique et de souf­france, des deux côtés, entre les niveaux hié­rar­chiques de l’institution catho­lique et les indi­vi­dus ou groupes cher­chant à com­pen­ser le désastre actuel de l’Église visible par une vie per­son­nelle de pié­té, sui­vant une théo­lo­gie clas­sique (je dirais sim­ple­ment dog­ma­tique) et la litur­gie de la grande tra­di­tion latine. » Quelle que soit l’importance de ces réac­tions, qui jusqu’à pré­sent demeurent dis­crètes, celles-ci expriment la pro­tes­ta­tion d’une fidé­li­té de la conscience pla­cée devant l’énigme d’une épreuve sans pré­cé­dent, et que l’on a tar­dé à voir en face tant elle parais­sait inima­gi­nable.

L’atmosphère géné­rale ne peut donc plus celle d’un retour espé­ré à un catho­li­cisme paci­fié, rajeu­ni et reve­nu aux pra­tiques tra­di­tion­nelles telles que la confes­sion, la pié­té mariale, l’adoration eucha­ris­tique, les pèle­ri­nages… Tout cela sub­siste, se déve­loppe même pai­si­ble­ment, mais se voit par­tout asso­cié à une nos­tal­gie non feinte du temps de Benoît XVI, d’autant plus hono­ré que res­tent dans les mémoires l’élévation de beau­coup de ses grands textes, de ses mani­fes­ta­tions exté­rieures de pié­té et de ses atti­tudes ins­pi­rant le res­pect. Auprès de la plu­part des fidèles qu’ont ras­su­ré, voire enthou­sias­mé tout cela, spé­cia­le­ment toute une géné­ra­tion de nou­veaux prêtres ou de jeunes fidèles, la fai­blesse de l’appel à une her­mé­neu­tique de la conti­nui­té, cer­taines posi­tions théo­lo­giques ou phi­lo­so­phiques nour­ris­sant des per­plexi­tés, et même une renon­cia­tion tou­jours inex­pli­quée n’ont guère de per­ti­nence, si bien que la com­pa­rai­son entre les deux époques – avant et depuis six ans – ne peut être évi­tée. Cer­tains s’efforcent éven­tuel­le­ment aujourd’hui de pra­ti­quer la pia inter­pre­ta­tio de quelques mots d’ordre ou déci­sions de Fran­çois, igno­rant poli­ment le reste, mais le cœur n’y est pas.

Les dom­mages pro­vo­qués sont très grands, et il en coûte de s’en rendre compte. Ils ne font que véri­fier l’avertissement don­né dans l’évangile : « Mal­heur au monde à cause des scan­dales. C’est une néces­si­té qu’il arrive des scan­dales ; mais mal­heur à l’homme par qui le scan­dale arrive ! » (Mt 18, 7) Le scan­dale, en l’occurrence, est avant tout la dif­fi­cul­té devant laquelle se trouvent pla­cés ceux qui entrent en contact avec l’Église, ou que l’on s’efforce d’attirer à elle, mais qui peinent à en iden­ti­fier les signes fon­da­men­taux lui per­met­tant d’être iden­ti­fiée. Uni­té, sain­te­té, catho­li­ci­té et apos­to­li­ci­té sont autant de « notes », selon la ter­mi­no­lo­gie consa­crée, mani­fes­tant le Corps du Christ, mais ce sont sur­tout aujourd’hui les deux pre­mières qui sont obs­cur­cies : d’une part, l’unité (le sem­per et ubique, c’est-à-dire l’unité de doc­trine pro­fes­sée avec constance dans le temps et l’espace, et la conti­nui­té de la struc­ture essen­tielle de l’Église depuis l’origine), d’autre part  la sain­te­té, comme source, comme foyer et comme exemple. L’une et l’autre subissent gra­ve­ment les consé­quences du bou­le­ver­se­ment actuel, ren­dant dif­fi­cile le dis­cer­ne­ment de la conti­nui­té doc­tri­nale, et dans l’ordre pra­tique, la dif­fé­rence morale avec le monde, le tout dans un cli­mat violent que l’historien bri­tan­nique Hen­ry Sire a syn­thé­ti­sé avec le titre de son der­nier ouvrage, The Dic­ta­tor Pope, paru en 2018. La « révo­lu­tion de la ten­dresse, de la misé­ri­corde et de la nor­ma­li­té », saluée par le prêtre cana­dien Tho­mas Rosi­ca, s’accompagne d’une ligne de conduite indi­quée par ce der­nier : « Le pape Fran­çois brise les tra­di­tions catho­liques quand il le veut puisqu’il est tota­le­ment libre des atta­che­ments désor­don­nés. » (site cana­dien Sel & Lumière, 12 mars 2018).

Nul doute tou­te­fois que pour le plus grand nombre, la dis­con­ti­nui­té dans la trans­mis­sion des véri­tés de la foi et leurs consé­quences morales n’ait un carac­tère d’abstraction, alors que les com­por­te­ments hon­teu­se­ment scan­da­leux revêtent un aspect bien plus cho­quant. Cela consti­tue du pain bénit, si l’on peut dire, pour les médias anti­ca­tho­liques, ceux qui relèvent des grandes puis­sances finan­cières et des ins­tances idéo­lo­giques qui les orientent, des tri­bu­naux de même obé­dience, des orga­nismes que l’on dit issus de la socié­té civile, à qui la dénon­cia­tion de délits effec­ti­ve­ment com­mis par des prêtres, des reli­gieux, des évêques per­met de dis­cré­di­ter l’Église dans son ensemble, et par-là obte­nir tou­jours plus de sou­mis­sion. Le pro­cé­dé n’est pas nou­veau, et il est fon­ciè­re­ment hypo­crite, puisqu’il reproche des actes aux­quels par ailleurs ceux qui les dénoncent incitent et qu’ils donnent en exemple à lon­gueur de temps. Comme ce dis­cours est accep­té et relayé de l’intérieur même de la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, sans cepen­dant que rien ne change, le che­min qui mène au Christ a des chances de sou­vent rele­ver d’une « ruse de la Pro­vi­dence », autre­ment dit d’une grâce spé­ciale. L’expérience montre effec­ti­ve­ment que paral­lè­le­ment au drame qui se joue aux plus hauts som­mets de l’Église, la vie conti­nue, des conver­sions de per­sonnes venues de l’islam se mul­ti­plient, de même que les bap­têmes d’adolescents et d’adultes, de nou­velles pro­fes­sions reli­gieuses, etc.

Une course contre la montre est ouverte, dans deux sens oppo­sés : d’un côté, le par­ti de la revanche tar­dive des par­ti­sans de l’esprit du Concile tente par tous les moyens de créer des situa­tions irré­ver­sibles, sen­tant bien que le sol se dérobe sous ses pieds du fait des scan­dales qu’il n’a pu empê­cher d’éclater au grand jour ; d’un autre côté la grande diver­si­té des catho­liques qui res­sentent inéga­le­ment la gra­vi­té du moment, mais en souffrent, et qui res­tent dans l’expectative. L’attente se pro­longe, notam­ment en rai­son de l’épais silence qui lui répond. On y a déjà insis­té (« Un temps pour par­ler », Catho­li­ca, n. 140, été 2018). C’est un équi­libre instable, par nature des­ti­né à se rompre.

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