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Dis­si­dence et objec­tion de conscience

Les grandes mani­fes­ta­tions fran­çaises de 2013 et 2014 ont consti­tué plus qu’un para­site dans le cours tran­quille de la domi­na­tion cultu­relle. En fait elles ont contraint les moteurs de cette domi­na­tion à révé­ler leur nature mino­ri­taire, la néces­si­té dans laquelle ils se trouvent de pra­ti­quer ouver­te­ment la guerre sociale, et fina­le­ment leur fra­gi­li­té. Bien enten­du, la par­tie n’est pas jouée, car elle se déroule à l’échelle pla­né­taire. Néan­moins le fait est là, avant tout d’ordre moral ; il est symp­to­ma­tique que la ten­ta­tion de for­mer de petits ghet­tos com­mu­nau­taires, plu­sieurs fois ber­cée au cours des années anté­rieures en France et ailleurs, n’intéresse plus autant qu’avant, signe que l’espérance renaît. La dif­fi­cul­té majeure, cepen­dant, vient du fait que cette réac­tion mas­sive d’une par­tie du peuple, dans sa spon­ta­néi­té, tra­duit une atti­tude poli­tique et morale bien plus intui­tive que rai­son­née. On note très géné­ra­le­ment une grande carence de for­ma­tion, fruit des des­truc­tions opé­rées conjoin­te­ment par le « mas­sage » média­tique per­ma­nent, l’effondrement de l’enseignement, la tra­hi­son des clercs – aux divers sens du terme – appli­qués à saper le moral de la nation depuis plus de cin­quante ans, à incul­quer esprit de repen­tance et haine de soi. La plu­part, tous même, s’en rendent compte, et recherchent des réfé­rences et des points d’ancrage. Dans ces condi­tions fleu­rissent un cer­tain nombre d’initiatives des­ti­nées à répondre à ces besoins nou­veaux de retrou­ver les repères vitaux. Cepen­dant ces réponses se pré­sentent aujourd’hui d’une manière désor­don­née, et une par­tie d’entre elles dans le but inté­res­sé de récu­pé­rer à court terme des adeptes plu­tôt que de se situer à la hau­teur des enjeux du futur. Il fau­dra sans doute attendre assez long­temps pour que les choses se décantent. Tou­jours est-il que des publi­ca­tions d’un type nou­veau paraissent, plus ou moins direc­te­ment liées à l’actualité, ayant au moins l’avantage de ser­vir de bases de dis­cus­sion et d’approfondissement. Tel est le cas de La polis paral­lèle et autres essais (1978–1989), de l’ancien dis­si­dent tché­co­slo­vaque Václav Ben­da, jusqu’à pré­sent inédit en fran­çais ((. DDB, novembre 2014, 188 p., 18,50 €.)) .
Václav Ben­da s’était lan­cé dans la dis­si­dence, aux côtés de Václav Havel, à par­tir de 1976, avec qui il fon­da la Charte 77, prin­ci­pale orga­ni­sa­tion de coor­di­na­tion des oppo­si­tions au régime com­mu­niste tché­co­slo­vaque. Catho­lique de ten­dance démo­crate-chré­tienne et per­son­na­liste, il se lan­ce­ra par la suite en poli­tique. Il décé­de­ra en 1999. Le recueil de quelques-uns de ses écrits de la période de dis­si­dence qui sont pré­sen­tés désor­mais en fran­çais prend le titre du prin­ci­pal d’entre eux – titre qui eût pu être tra­duit dif­fé­rem­ment à cause d’une homo­pho­nie assez mal­heu­reuse –, qui se résume presque à un slo­gan : il faut créer une cité paral­lèle, une orga­ni­sa­tion de la socié­té en marge de l’ordre en vigueur.
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