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Plu­ra­lisme et impré­ci­sion

Ce docu­ment final, très long (55 pages, 383 articles), veut d’abord défi­nir la place de l’école catho­lique dans la mis­sion de l’Eglise en géné­ral (I), puis s’intéresse aux acteurs de l’oeuvre édu­ca­tive, ensei­gnants, ensei­gnés et per­son­nel fonc­tion­nel confon­dus (II), avant d’aborder les ques­tions d’organisation dans les quatre der­nières par­ties.
D’emblée, du point de vue de la forme, on note un emploi fré­quent d’un mode d’expression sur­an­né, dû lar­ge­ment, il est vrai, aux très nom­breuses cita­tions de docu­ments de Vati­can II, mais éga­le­ment à un jar­gon bureau­cra­tique bien sen­ti. A cet égard la nou­veau­té n’apparaît pas aisé­ment, pour le moins. On sait que le pro­blème prin­ci­pal résul­tant de la subor­di­na­tion à l’Education natio­nale de l’enseignement catho­lique offi­ciel­le­ment recon­nu par les évêques fran­çais, depuis la loi Debré de 1959 (contrats d’association) réside dans la déter­mi­na­tion du conte­nu exact du « carac­tère propre », non défi­ni dans la loi et sup­po­sé recou­vrir une réa­li­té spé­ci­fique. Le nou­veau sta­tut aborde ain­si cette défi­ni­tion : « La pro­po­si­tion édu­ca­tive spé­ci­fique de l’école catho­lique pos­sède ain­si en elle-même une dimen­sion pas­to­rale en tant que mise en oeuvre de la mis­sion ecclé­siale au ser­vice d’une socié­té de jus­tice et de paix. Cette “pro­po­si­tion édu­ca­tive qua­li­fiée” s’exprime dans le pro­jet édu­ca­tif de chaque école ; elle consti­tue  ce que la loi désigne comme le “carac­tère propre” » (art. 18) ((. L’expression « pro­po­si­tion édu­ca­tive qua­li­fiée », en ita­liques dans le texte, est emprun­tée à un docu­ment de la Congré­ga­tion pour l’éducation catho­lique, L’école catho­lique au seuil du troi­sième mil­lé­naire (1997).)) . Ce n’est pas clair du tout.
La lec­ture plus atten­tive du contexte, c’est-à-dire du reste de la 1re par­tie, non seule­ment ne lève pas l’obscurité, mais l’accentue. Tout d’abord, on remarque rapi­de­ment que si la spé­ci­fi­ci­té de l’enseignement catho­lique n’est pas net­te­ment déga­gée, c’est parce que l’éducation est pla­cée sous trois auto­ri­tés dis­tinctes : celle des parents et de leur droit natu­rel à l’éducation des enfants, celle de la hié­rar­chie ecclé­sias­tique, celle de l’Etat. Ces trois types d’autorité pour­raient ne poser aucune dif­fi­cul­té s’ils étaient clai­re­ment hié­rar­chi­sés, mais tel n’est pas exac­te­ment le cas. Deux articles font expli­ci­te­ment allu­sion au droit natu­rel des parents : « En affir­mant, comme elle l’a tou­jours fait, son droit de fon­der des écoles, l’Eglise aide les parents à assu­mer leur droit natu­rel d’éduquer leurs enfants » (art. 9) ; les asso­cia­tions de parents d’élèves « concourent à la vita­li­té et à l’animation des com­mu­nau­tés édu­ca­tives […], à la recon­nais­sance par la socié­té et les pou­voirs publics du droit natu­rel des parents d’éduquer leurs enfants » (art. 298). En outre, mais impli­ci­te­ment, presque au début du texte (art. 4), on trouve cette affir­ma­tion : « La res­pon­sa­bi­li­té édu­ca­tive revient en pre­mier lieu aux parents, de manière irrem­pla­çable ». C’est peu, du moins le prin­cipe n’est pas omis.
L’autorité de l’Eglise est expri­mée plus en détail, ce qui ne veut pas dire plus clai­re­ment. « Aujourd’hui comme hier, l’Eglise catho­lique est enga­gée dans le ser­vice de l’éducation. Elle accom­plit ain­si la mis­sion qu’elle a reçue du Christ : tra­vailler à faire connaître la Bonne Nou­velle du Salut. » (art. 8) Immé­dia­te­ment après, dans le même article, il est pré­ci­sé que l’évêque est le res­pon­sable de cette mis­sion, puis que « l’engagement de l’Eglise dans le champ de l’éducation mani­feste sa soli­da­ri­té avec le genre humain et son his­toire ain­si que sa volon­té d’apporter une contri­bu­tion ori­gi­nale et spé­ci­fique à la construc­tion de la cité et au renou­vel­le­ment de la socié­té humaine “dans un esprit de dia­logue et de coopé­ra­tion” ». Cette fin d’article ne semble guère en rap­port avec la Bonne Nou­velle. Cepen­dant plus loin il est pré­ci­sé que « la mis­sion édu­ca­tive est confiée par l’Eglise à des per­sonnes et à des com­mu­nau­tés édu­ca­tives, au sein d’une Eglise locale dio­cé­saine » (art. 26), et que « pour que l’école catho­lique soit une ins­ti­tu­tion ecclé­siale, il est néces­saire que l’autorité légi­time dans l’Eglise catho­lique confie à cer­taines per­sonnes une mis­sion spé­ci­fique au ser­vice de tous. Dans l’Eglise locale dio­cé­saine, l’Evêque ins­ti­tue chaque école catho­lique par la média­tion d’une auto­ri­té de tutelle » (art. 27). Plus loin cette « mis­sion édu­ca­tive » est ran­gée dans la caté­go­rie de l’apostolat (art. 28).
L’école catho­lique une fois ain­si consti­tuée est alors défi­nie comme « une com­mu­nau­té édu­ca­tive qui ras­semble toutes les per­sonnes concou­rant à la vie de l’établissement, dans la diver­si­té des fonc­tions et des âges […] autour d’un chef d’établissement qui reçoit mis­sion de l’Eglise » (art. 32).
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