[note : cet article a été publié dans catholica, n. 29, p. 30–37]
Les penseurs authentiques ne tiennent rien pour acquis. Au contraire, ils problématisent tout, à commencer par les lieux communs proposés par la culture idéologique et diffusés par ceux qui se décernent souvent le nom de philosophes uniquement parce que, par fonctions, ils s’occupent de questions liées en quelque manière à la pensée.
Augusto Del Noce est un penseur authentique, jure pleno. Il a démontré qu’il l’était en réfléchissant notamment sur le problème de la modernité, en en faisant même un thème central de sa spéculation. On peut en effet affirmer que cette réflexion ne l’a jamais quitté, depuis l’ouvrage fondamental Il problema dell’ateismo (Il Mulino, Bologne, 1964) jusqu’à Riforma cattolica e filosofia moderna (Il Mulino, Bologne, 1965), un livre peu lu bien que très intéressant, depuis L’epoca della secolarizzazione (Giuffrè, Milan, 1970) et sa discussion avec Ugo Spirito dans Tramonto o eclissi dei valori tradizionali (Rusconi, Milan, 1971), à son livre posthume sur Giovanni Gentile (Il Mulino, Bologne, 1990).
En ce qui concerne le problème de la modernité, Augusto Del Noce a avancé une thèse suffisamment originale pour que, au printemps 1981, à l’occasion de son 26e congrès consacré précisément au « concept de modernité », le Centre d’Etudes philosophiques de Gallarate — une association de philosophes de renom — ait jugé utile de l’inviter à venir y défendre sa thèse et à la confronter aux autres perspectives et interprétations. Cette invitation était une manière de reconnaître l’intérêt de l’interprétation delnocienne, en même temps qu’une manifestation d’estime envers l’un des plus prestigieux maîtres de la philosophie contemporaine.
Mais procédons par étapes. Il est connu que la culture philosophique moderne et contemporaine a présenté en substance deux interprétations du « moderne » : l’une idéaliste lato sensu, l’autre que nous pourrions définir comme catholique. L’une et l’autre attribuent au terme moderne une signification de valeur, non d’époque. Le moderne se caractérise ainsi sur un plan théorétique, non pas historique, même s’il se manifeste à l’intérieur de l’histoire moderne et contemporaine, en déterminant, ou tout au moins en influençant tous les autres choix théoriques et pratiques qui dérivent de la « conception » du moderne que l’on adopte.
La première, celle que nous avons définie comme idéaliste au sens large, voit dans la modernité l’aurore et le jour triomphal de la subjectivité et de la liberté. Pour recourir au mot de Hegel dans ses Leçons sur la Philosophie de l’Histoire, on pourrait dire que la modernité est « [le jour] de l’Universalité, qui éclate enfin après la longue nuit, fertile en conséquences et terrible du moyen âge ; jour qui se signale par la science, l’art et l’instinct de la découverte, c’est-à-dire, par ce qu’il y a de plus noble et de plus sublime que le génie humain, affranchi par le christianisme et émancipé par l’Eglise, représente comme son contenu éternel et vrai » ((. G.W.F. Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte, trad. it. La Nuova Italia, Florence, 1967, vol. IV, p. 139.)) . En d’autres termes, la modernité signifie l’autonomie conquise en vertu du christianisme et de l’Eglise ; mais elle ne resterait pas elle-même si elle ne dépassait pas les positions qui l’ont engendrée et favorisée. Ce n’est que dans le protestantisme, dit en effet Hegel, que se développe et mûrit « la liberté subjective de la rationalité » ((. Ibid., p. 178.)) . La Réforme présenterait donc comme contenu essentiel la liberté de l’homme : après le magistère de Luther et par sa vertu, mais surtout par suite du développement des principes de la Réforme, chacun est maître de lui-même, patron absolu de sa propre conscience dans l’intériorité de laquelle advient l’évolution de l’esprit ((. Ibid., p. 185.)) . L’Eglise catholique, au contraire, ayant figé ses propres principes, se serait arrêtée ((. Ibid., p. 155.)) , elle se serait coupée de la science, de la philosophie et de la littérature humaniste. Pour avoir maintenu et transmis la transcendance, elle aurait aménagé sa propre décadence et surtout fait obstacle au développement de l’esprit et de la liberté ou, pour utiliser une autre expression de Hegel, fermé l’accès à l’autoconscience humaine dans laquelle « il n’y a plus de rébellion contre le divin, mais [où] éclate la meilleure subjectivité, celle qui sent en elle le divin » ((. G.W.F. Hegel, Vorlesungen über die Philosophie der Geschichte, op. cit., p. 145.)) .
L’histoire, en somme, serait caractérisée par le processus d’immanentisation du divin dont la pensée, selon ce qu’écrira Giovanni Gentile, commence à devenir consciente à partir du libre examen exercé par le protestant ((. Cf. G. Gentile, Il modernismo e l’enciclica Pascendi, in Il modernismo e i rapporti fra religione e filosofia, Sansoni, Florence, 1962, p. 46.)) . Le christianisme, en tant que religion positive et transcendante, ne serait par conséquent rien d’autre qu’un moment préparant la religion de l’immanence. L’Eglise catholique en tant que « porteuse de formes périmées et mortes d’inculture, d’ignorance, de superstition, d’oppression spirituelle », serait destinée à être éliminée par la civilisation même qu’elle a contribué à engendrer ((. Cf. Croce, Storia d’Europa nel secolo decimonono, Laterza, Bari, 1938, p. 26.)) .
Que voulait dire par là Benedetto Croce ? Augusto Del Noce l’explique très bien dans un passage de son livre Il cattolico comunista. Croce voulait dire qu’« avec la Renaissance et la Réforme avait commencé un processus irréversible vers la décadence de la transcendance et du surnaturel, que la reconnaissance de la rationalité de ce processus était le signe de l’esprit moderne, qu’à l’inverse tout effort pour le nier rendait inintelligible l’histoire de l’époque moderne, et que celui qui s’y obstinait devait en arriver à la « destruction de la raison », soit sous la forme d’une « philosophie de collège », soit sous celle d’un irrationalisme explicite » ((. A. Del Noce, Il cattolico comunista, Rusconi, Milan, 1981, p. 77.)) .
La philosophie véritable serait donc la compréhension de ce processus inéluctable, la « justification » de l’histoire en tant qu’épiphanie du divin. De cela on n’aurait pris conscience qu’à l’époque moderne, grâce surtout à Descartes qui, pour Hegel, « est le promoteur de la nouvelle philosophie » ((. Hegel, op. et vol. cit., p. 191.)) : « La conscience de la pensée a été dégagée d’abord par Descartes de cette sophistique de la pensée qui ébranle tout. […] Son principe était : cogito, ergo sum. Ce qui ne devrait pas être compris comme s’il y avait là un syllogisme, et si ergo indiquait une conséquence des prémisses, mais ce qui signifie que penser et être sont une seule et même chose » ((. Ibid.)) .
Telle est l’affirmation de l’immanentisme radical qui mène à la dépendance de l’être par rapport à la conscience et à la conception de la liberté comme autodétermination non seulement morale mais encore métaphysique. Peu importe ensuite, sur un plan spéculatif, que l’autodétermination en tant que volonté libre se réalise — comme le soutiennent Hegel ou Giovanni Gentile — dans l’Etat, dès lors qu’elle ne peut être en soi ou par soi que la liberté de l’esprit universel selon son essence, c’est-à-dire la liberté de Dieu, ou que cette conscience, inversant cette perspective, se réalise comme l’expression de l’individualisme dans son immédiateté naturelle, comme le soutiennent à l’opposé les idéologies du libéralisme, du socialisme, du radicalisme. Celles-ci présupposent, pour utiliser une expression ambiguë et peut-être erronée de Ugo Spirito, « la métaphysique du moi, qui se développe à partir de l’humanisme » ((. U. Spirito, Ideali che tramontano e ideali che sorgono, in U. Spirito — A. Del Noce, Tramonto o eclissi dei valori tradizionali ?, op. cit., p. 27.)) . Ce qui compte, c’est que ce principe conduise à la « modernisation » de l’esprit, à l’historicisme et au nihilisme contemporains, mais en tout état de cause exalte, même en suivant des voies diverses, la subjectivité.
Une confirmation vient encore de l’interprétation que donne de la modernité un auteur très critique non seulement envers le monde « moderne » mais encore envers le christianisme, responsable, à son avis, de tous les maux de la civilisation contemporaine. Evola, au fond, même si c’est par un jugement de valeur diamétralement opposé à celui de Hegel, de Giovanni Gentile et de Croce, renforce la lecture idéaliste de l’histoire.
La seconde interprétation, celle que nous avons définie comme catholique, voit elle aussi dans la modernité l’affirmation de la subjectivité, mais elle en souligne les aspects négatifs en tant que celle-ci serait l’équivalent du subjectivisme. Les deux interprétations, en conséquence, bien qu’elles concordent sur l’analyse historique, s’opposent au moment de porter un jugement de valeur. Il suffirait de rappeler à titre d’exemple la thèse du « premier » Maritain, celui d’Antimoderne et des Trois réformateurs, pour bien comprendre cette position : Luther, Descartes et Rousseau auraient été les inspirateurs d’une unique révolution tirant sa force du relativisme individualiste, lui-même fils du subjectivisme. La révolution religieuse luthérienne, exaltatrice du moi, aurait trouvé accueil et résonance dans la révolution philosophique de Descartes qui, pour reprendre les termes de Maritain, aurait « dévoilé le visage du monstre que l’idéalisme moderne adore sous le nom de Pensée » ((. J. Maritain, Trois réformateurs, in Œuvres complètes, Editions Universitaires-Editions Saint-Paul, 1984, tome III, p. 486.)) . Par la suite, Rousseau l’aurait achevée en prêchant la révolution sociale. L’unicité de cette révolution, dans sa triple manifestation, ne résiderait pas tant dans le processus linéaire que les historiens rationalistes ont tenté d’exprimer avec et de renfermer dans un schéma. Plus que de « linéarité », il s’agirait de « convergence » : Maritain affirme que « nous sommes ici en présence de ruptures provoquées sur des points différents et de forces qui s’entrecroisent et s’enchevêtrent, mais qui tendent en fait à la destruction d’un même ordre et d’une même vie » ((. Ibid., p. 527.)) .
Comme l’a fait remarquer l’un des plus importants philosophes catholiques contemporains, le P. Cornelio Fabro, on peut dire en conséquence que « sur l’interprétation de fond de la pensée moderne, c’est-à-dire du cours nouveau de la pensée qui a trouvé son origine dans le principe d’immanence, partisans et adversaires s’accordent : ce principe est considéré comme un changement d’orientation de l’objet vers le sujet, du monde vers le moi, de l’extérieur vers l’intérieur… L’accord, poursuit Fabro, ne semble pas difficile non plus sur la portée qu’a eue le noyau spéculatif de l’immanence dans le développement de la pensée moderne, de Descartes à nos jours, autrement dit depuis les différentes formes de rationalisme jusqu’au phénoménisme anglais (Hume), au criticisme kantien, aux modalités les plus somptueuses de l’idéalisme métaphysique, et jusqu’au marxisme, à l’existentialisme, au pragmatisme, ou au néopositivisme de la philosophie contemporaine » ((. C. Fabro, Introduzione all’ateismo moderno, Studium, Rome, 1969, p. 1003.)) .
Accord ne signifie cependant pas identité d’analyse et de perspectives. Comme nous avons cherché à l’établir par ailleurs ((. D. Castellano, La libertà soggettiva, Edizioni Scientifiche Italiane, Naples, 1984, pp. 57–86.)) , il y a des différences, par exemple, entre l’interprétation de Maritain qui vient d’être mentionnée, celle de Fabro et celle de Marino Gentile. Ces auteurs et d’autres encore s’accordent toutefois, nous semble-t-il, sur le caractère non pas philosophique, mais idéologique de la « pensée moderne », dont par ailleurs récemment la fin a été proclamée ((. Cf. Gianni Vattimo, La fin de la modernité, 1985, trad. française Le Seuil, 1987. Pour certaines critiques des positions qui y sont exprimées, voir A. Poppi, L’intelligenza del principio, Edizioni Scientifiche Italiane, Naples, 1989, pp. 43–52.)) par ceux qui en réalité la continuent sur la voie cohérente des positions nihilistes. Celles-ci mettent en évidence sa faiblesse intrinsèque, son incapacité à fonder le fondement (philosophie « moderne ») ou à le découvrir (perspective spéculative « classique »).
Augusto Del Noce ne partage pas ces manières d’interpréter la modernité. La première lui apparaissait dogmatique — et l’historicisme, en vérité, est caractérisé par le dogmatisme qui dérive de son option originaire sans justification — surtout peut-être si l’on considérait (et on considère) le lien étroit courant entre la théorie et la pratique, lien qui dans la perspective du progressisme conduit à identifier la moralité et le fait d’être en accord avec le mouvement de l’histoire ((. Cf. A. Del Noce, Il problema dell’ateismo, op. cit., p. LXIX.)) . La seconde interprétation, en tant qu’élaborée en opposition-subordination à la première, lui semblait « académique », entendant par là un recours rhétorique aux valeurs ; une rhétorique qui conduit à fuir les problèmes concrets sur lesquels la philosophie doit pourtant continuellement se risquer.
Augusto Del Noce, peut-être stimulé par les difficultés spéculatives laissées sans solutions par ses deux maîtres, d’orientations opposées, Juvalta et Mazzantini, fait donc appel à l’histoire pour chercher à échapper à l’impasse où arriverait toute philosophie contrainte de faire appel, pour se fonder en dernière instance, à l’évidence. Celle-ci, entendue de manière platonicienne comme l’idée émergeant de la splendeur de l’être, pouvait (et peut) se révéler métaphysiquement — c’est ce qu’enseignait Mazzantini — dans l’expérience morale ((. Sur ce point, voir C. Arata, « La lotta per l’evidenza », in AA.VV., La filosofia di Carlo Mazzantini, Studium, Rome, 1985, pp. 62–63.)) . La problématique éthico-politique représente donc une voie pour affronter les questions spéculatives, notamment, et peut-être surtout, celles qu’entrevoit la philosophie moderne. Et c’est effectivement la problématisation de l’histoire de la philosophie moderne qui amène Del Noce à refuser l’attribution d’un jugement de valeur à l’idée de « modernité » : cette problématisation l’autorise, en fait, à prouver le manque de base de la thèse selon laquelle serait en acte un processus irréversible de la pensée et de la civilisation passant de la transcendance à l’immanence. Plus clairement, on pourrait dire qu’en démontrant son incapacité à comprendre et expliquer l’histoire selon les schémas immanentistes, on démontre également que la certitude (laquelle est un acte de foi) sur laquelle se fonde la philosophie immanentiste est dénuée de preuve. Ainsi le rationalisme, loin d’obéir comme on le dit à une construction indiscutable de la raison, se manifeste comme une forme d’irrationalisme, comme un choix injustifié, contradictoire et aux conséquences désastreuses. Il suffirait de penser que l’association de l’idée de la révolution et de celle de la modernité en tant que valeur a mené historiquement non à la libération universelle qui avait été promise, mais au comble de l’oppression » ((. Cf. A. Del Noce, « Tramonto o eclissi dei valori tradizionali ? », in U. Spirito‑A. Del Noce, op. cit., p. 211.)) .
Donc, « le premier pas théorétique de la philosophie présente », affirme Del Noce, « doit consister dans la mise en discussion de la vision courante de l’histoire de la philosophie, celle selon laquelle, au moins depuis Descartes et ensuite, cette histoire ne pourrait être pensée que comme un processus vers l’immanence radicale » ((. Cf. A. Del Noce, « L’idea di modernità », in AA.VV., Modernità. Storia e valore di un’idea, op. cit., Morcelliana, Brescia, 1981, p. 31.)) .
Or l’histoire contemporaine pose aux adeptes de l’historicisme en tant que philosophie du divin immanent un problème préalable : celui de l’athéisme. De quelle manière ? En ce que l’athéisme maintient lui aussi l’idée d’un processus unitaire de la philosophie moderne dans le sens immanentiste, mais substitue à la « conservation », caractéristique par exemple de l’hégélianisme, la « négation », caractéristique notamment du marxisme. L’athéisme « serait en quelque sorte le résultat de la démythisation, au-delà du compromis dans lequel consisterait l’œuvre des philosophes, de l’immanence du divin » ((. Ibid., p. 37.)) . Par conséquent, pour Del Noce, l’histoire de la philosophie moderne prouverait que le principe d’immanence conclut « à deux formes de philosophie qui s’excluent mutuellement sans possibilité de solution : l’idéalisme immanentiste, en tant que philosophie du divin immanent, et le matérialisme dialectique, naturellement dans son interprétation la plus critique, comme expression radicale de l’athéisme » ((. A. Del Noce, Riforma cattolica e filosofia moderna, op. cit., p. 685.)) . L’impossibilité d’un dépassement mutuel élimine la conception de la philosophie moderne comme processus unitaire et montre à l’inverse la présence en son sein de deux directions incompatibles, celle qui va de Descartes à Hegel, et donc à Nietzsche, et celle qui va de Descartes à Rosmini, ou, pour suivre un essai tardif de Del Noce ((. A. Del Noce, « La riscoperta del tomismo in Etienne Gilson e il suo significato presente », in AA.VV., Studi di filosofia in onore di Gustavo Bontadini, vol. II, Vita e Pensiero, Milan, 1975, pp. 454–474.)) , à saint Thomas (selon surtout l’interprétation « historique » qu’en donne Gilson), comme philosophie non engagée dans l’échec de l’actualisme, terme ultime de la valeur idéaliste du principe d’immanence ((. A. Del Noce, Giovanni Gentile, op. cit., p. 106.)) .
A partir de l’ambiguïté cartésienne dériveraient ainsi deux lignes de pensée, résultant d’interprétations diverses et possibles de sa philosophie. Chez Descartes, en effet, coexistent aussi bien l’expérience de la liberté, qui constitue son motif religieux, qu’un séparatisme coïncidant avec le principe moderne de l’immanence ((. Cf. A. Del Noce, L’idea di modernità, op. cit., p. 40.)) , et qui représente la dimension laïque de sa pensée.
Mais l’athéisme, comme on l’a montré, est la conclusion théorique en même temps que la critique de la thèse du caractère axiologique de la modernité. Il ne peut donc « continuer », c’est-à-dire surmonter sans rupture les positions de cette philosophie du divin immanent dont il veut être et de fait, est la conclusion. Il marque alors la fin de la conception de l’histoire comme épiphanie du divin. L’histoire moderne est donc simplement, pour Del Noce, la période au cours de laquelle l’athéisme s’est manifesté. Au concept axiologique de modernité, il substitue donc une problématique. L’histoire contemporaine remettrait ainsi à l’ordre du jour le pari pascalien entre un Dieu transcendant et l’athéisme.
De la sorte, c’est le problème de la modernité qui conduit Del Noce à chercher la vérité à travers l’histoire ; une histoire philosophique qui, comme nous avons cherché à l’illustrer ((. Cf. D. Castellano, « Introduction à la philosophie d’Augusto Del Noce », in Catholica, n. 24, février 1991, pp. 26–40.)) , démontre l’irrationalité de l’option rationaliste. C’est pour cela qu’on peut peut-être conclure en disant, de manière synthétique, qu’Augusto Del Noce est à l’athéisme contemporain ce que Kierkegaard fut à l’hégélianisme. Son historiographie spéculative rend donc non seulement problématique l’idée de modernité, mais prouve en dernière analyse l’impossibilité théorique de la soutenir, sur la base même des réquisits de ceux qui s’étaient faits et continuent d’être les défenseurs de sa valeur.