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Lec­ture : Le père Lié­gé et le Concile

Le R.P. Lié­gé, domi­ni­cain, ne fut sans doute pas l’une des figures les plus mar­quantes du concile Vati­can II, de la période pré­cé­dente comme de celle qui sui­vit. Ne serait-ce que par­mi ses confrères, les pères Che­nu et Congar ont une tout autre renom­mée. Il n’empêche, Mgr Schmitt, évêque de Metz, écri­vit de lui : « Nul ne sau­ra jamais ce que Vati­can II lui doit ». Le pro­pos élo­gieux paraît si juste à l’auteur d’une récente bio­gra­phie qu’il le repro­duit à l’envi, un peu trop sou­vent d’ailleurs. Est-ce la clef de lec­ture à ce livre ? Oui, si on entend par là que le concile Vati­can II mit en textes, puis en actes, ce qui fai­sait déjà la spé­ci­fi­ci­té du père Lié­gé, la théo­lo­gie pas­to­rale, dont l’auteur consi­dère qu’il fut « le pion­nier et l’initiateur » en France (p. 416).
On a cepen­dant quelque peine à trou­ver une cohé­rence forte aux trois par­ties qui com­posent ce qui, en accord avec le sous-titre, est moins une bio­gra­phie qu’un « iti­né­raire intel­lec­tuel » : il y a une rup­ture trop nette, et de genre et de chro­no­lo­gie, entre d’un côté les deux pre­mières par­ties et de l’autre la troi­sième. De plus, la troi­sième par­tie n’éclaire pas et même masque en par­tie la der­nière période de la vie du père Lié­gé ; il s’y est peut-être joué une évo­lu­tion qui, sous réserve d’être mieux ren­sei­gné, fait pen­ser à l’évolution du théo­lo­gien Rat­zin­ger. Ce qui suit, se res­sent de ces deux défauts, que notre connais­sance de la per­sonne et des écrits du domi­ni­cain ne per­met pas de pal­lier. Dans les deux pre­mières par­ties, donc, au carac­tère bio­gra­phique pré­do­mi­nant, il est dres­sé le por­trait d’un mili­tant. Résu­mons : Pierre-André Lié­gé entra chez les domi­ni­cains en 1938, après avoir pen­sé un temps à la vie béné­dic­tine. Il y sui­vit les cours de théo­lo­gie, notam­ment des pères Che­nu et Congar, le pre­mier étant un maître pour lui ; et ce fut en pre­mière ligne qu’il vécut la reprise en main des études au Saul­choir en 1942, avec la mise à l’écart d’une par­tie du corps pro­fes­so­ral, dont Che­nu. Le jeune sco­las­tique en fut bou­le­ver­sé et indi­gné ; sen­ti­ments qui ren­con­trèrent la cri­tique d’Emmanuel Mou­nier contre les catho­liques conser­va­teurs : « Ces êtres courbes qui ne s’avancent dans la vie que de biais et les yeux abat­tus, ces âmes dégin­gan­dées, ces peseurs de ver­tus, ces vic­times domi­ni­cales, ces frous­sards dévo­tieux, ces héros lym­pha­tiques, ces bébés suaves, ces vierges ternes, ces vases d’ennui, ces sacs de syl­lo­gisme, ces ombres d’ombres, est-ce là l’avant-garde de Daniel mar­chant contre la Bête ? » (cité pp. 76–77). Le père Lié­gé fit siennes ces lignes de L’affrontement chré­tien, la vigueur du style en moins, mais avec une tour­nure dia­lec­tique plus radi­cale, révo­lu­tion­naire à cer­tains égards, qui fait de lui, non sim­ple­ment un com­bat­tant, mais bien un mili­tant. […]