Revue de réflexion politique et religieuse.

Les paroisses pari­siennes à l’époque du Concile

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

Qu’en était-il de la pra­tique reli­gieuse dans cette période ?

Je n’ai pas de sta­tis­tique pré­cise en dehors de celles publiées dans les papiers Bou­lard, la der­nière enquête géné­rale s’arrête en 1962. La crise me semble plu­tôt pos­té­rieure. La quan­ti­té de messes qui étaient pro­po­sées le dimanche dans les paroisses y com­pris modestes est impres­sion­nante. On voit cepen­dant appa­raître quelques sup­pres­sions de messes. Mais il faut prendre en compte la réa­li­té urbaine avec les deux carac­té­ris­tiques des années soixante à Paris. La pre­mière est le départ en week-end. La deuxième est un mou­ve­ment consi­dé­rable de trans­for­ma­tion de la ville elle-même : les quar­tiers du centre de Paris se vident de leur popu­la­tion ; cer­taines paroisses voient la nature de celle-ci chan­ger com­plè­te­ment (exemple, arri­vée de juifs d’Algérie, à par­tir de 1962). La mobi­li­té de la popu­la­tion se fait plus grande. D’après les chiffres du cha­noine Bou­lard, il y aurait un cer­tain tas­se­ment, mais pas consi­dé­rable et pas vrai­ment signi­fi­ca­tif, du nombre des bap­têmes. La chute appa­raît dans les pre­mières années de la décen­nie soixante-dix. Il faut savoir aus­si que Paris est tra­di­tion­nel­le­ment une ville de basse pra­tique, au moins pour les arron­dis­se­ments de la moi­tié Est et Sud.
Par contre la pra­tique de la confes­sion semble en régres­sion très forte. Les prêtres n’ont pas fait de sta­tis­tiques. Ils ont un cer­tain nombre d’indications per­son­nelles de mémoire : ils se sou­viennent des heures de pré­sence au confes­sion­nal, très for­te­ment réduites en fin de période. C’est aus­si l’époque des pre­mières célé­bra­tions péni­ten­tielles qui se déve­loppent à par­tir de 1965. Elles ont un grand suc­cès et jusqu’en 1968 elles sont tou­jours accom­pa­gnées d’absolutions indi­vi­duelles.

Que pen­sez-vous du motif sou­vent invo­qué à Rome concer­nant les phé­no­mènes de rejet que la réforme litur­gique a ren­con­trés dans les paroisses : elle n’aurait pas été suf­fi­sam­ment expli­quée aux fidèles ?

Il y a là une des légendes qu’il faut faire voler en éclats, tout au moins pour Paris. C’est une légende com­mode. Pour com­men­cer, il y a eu le déve­lop­pe­ment du mou­ve­ment litur­gique dont j’ai par­lé. La réforme a donc été pré­pa­rée, par­fois sur vingt ans. Ensuite, j’ai pu enquê­ter direc­te­ment sur les bul­le­tins parois­siaux et auprès des prêtres, et je peux dire qu’un énorme effort d’explication a été réa­li­sé, avec beau­coup d’inventivité sur le plan péda­go­gique. Les bul­le­tins parois­siaux ont été mobi­li­sés. Le prône a été uti­li­sé. Des répé­ti­tions ont été faites pour pré­pa­rer telle prière qui était intro­duite, tel pas­sage qui était modi­fié. Des confé­rences litur­giques, qui exis­taient par­fois aupa­ra­vant, ont été consa­crées à l’explication de la réforme. Des com­mis­sions de laïcs ayant pour mis­sion de jouer un rôle de relais entre le cler­gé et les parois­siens ont été mises en place presque par­tout. Des pan­neaux expli­ca­tifs ont été posés à l’entrée des églises. Il faut être clair : dire que la réforme a été mal expli­quée est véri­ta­ble­ment un faux pro­cès fait au cler­gé. D’où vient ce faux pro­cès ? Un gou­ver­ne­ment ne dira jamais : « Je me suis trom­pé », « tel choix n’a pas été conve­na­ble­ment fait ». Mais il dira : « Je ne me fais pas com­prendre », « je n’explique pas bien ». C’est une tra­di­tion gou­ver­ne­men­tale : ne pas s’interroger sur les choix que l’on fait, mais mettre les dif­fi­cul­tés sur un « défaut de com­mu­ni­ca­tion », pour uti­li­ser l’hexagonal d’aujourd’hui. Ce défaut de com­mu­ni­ca­tion, tout au moins pour Paris, est mythique.

Pro­pos recueillis par Claude Barthe

Catho­li­ca, n. 52

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