Revue de réflexion politique et religieuse.

Les paroisses pari­siennes à l’époque du Concile

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

St-Nico­las-du-Char­don­net était une paroisse tra­di­tion­nelle ?

Tout à fait ! St-Nico­las-du-Char­don­net était une paroisse tra­di­tion­nelle, dans le sens de l’époque évi­dem­ment, avec un homme comme le cha­noine Régnault, qui s’était pas­sion­né pour l’Action catho­lique dans sa jeu­nesse. C’était une paroisse plu­tôt âgée, plu­tôt som­no­lente, par rap­port au brio, au dyna­misme qu’a eu la paroisse St-Séve­rin jusqu’au Concile. Ensuite l’originalité de cette der­nière est deve­nue moins grande.

Vous avez obser­vé qu’esthétiquement le mou­ve­ment litur­gique et l’apparition des réformes conci­liaires cor­res­pondent à un style très daté.

Il est frap­pant de consta­ter la conver­gence entre l’esthétique de l’époque (Le Cor­bu­sier, les H.L.M., mise en scène à la Wag­ner) et le thème conci­liaire du dépouille­ment, le goût de la sim­pli­ci­té des formes et du décor inté­rieur des églises. Ins­pi­rés par des consi­dé­ra­tions dif­fé­rentes, conser­va­teurs de la Ville de Paris et curés se rejoi­gnaient quant à leurs choix esthé­tiques. Cer­taines mesures qua­li­fiées par d’aucuns d’iconoclastes ont été récla­mées par les auto­ri­tés admi­nis­tra­tives.

Le pre­mier train de réformes conci­liaires date de 1964.

Quand le Concile a pris en compte les grandes idées du mou­ve­ment litur­gique, l’application dans un pre­mier temps, à Paris, s’est faite sans dif­fi­cul­té, en ce sens que le ter­rain était bien pré­pa­ré dans l’ensemble. C’est un point sur lequel on n’a pas suf­fi­sam­ment insis­té : il y a dans l’histoire de la réforme litur­gique une période (1963–1969) dif­fé­rente de celle qui a sui­vi. Le regard rétros­pec­tif, qui fait de Vati­can II une nais­sance, fausse le point de vue, en ce sens que la consti­tu­tion conci­liaire sur la litur­gie de 1963 est fort dif­fé­rente de la consti­tu­tion Mis­sale Roma­num de 1969. Les prin­cipes géné­raux sont posés mais rien ne lais­sait pen­ser que la langue litur­gique serait inté­gra­le­ment aban­don­née et rien ne lais­sait non plus pen­ser que le canon romain serait trans­for­mé ou rema­nié. C’est un point qu’il faut sou­li­gner : Mgr Lefebvre, oppo­sant s’il en fut, a voté la consti­tu­tion litur­gique sans état d’âme. Il en a fait la pro­mo­tion à ses confrères spi­ri­tains, avec quelques réserves et une inter­pré­ta­tion mini­ma­liste, mais il n’y voyait pas d’obstacle fon­da­men­tal.
La période de 1963 à 1969 a donc été une période de tran­si­tion. On peut même dire que l’essentiel de la réforme était à peu près acquis en 1969, tout au moins dans ce qui en était la marque la plus visible, c’est-à-dire le pas­sage à la langue ver­na­cu­laire : il s’est fait de façon pro­gres­sive à par­tir de 1964. Au prin­temps 1965, on pou­vait célé­brer la messe entiè­re­ment en fran­çais, à l’exception du canon romain. A l’automne 1967 elle pou­vait être célé­brée entiè­re­ment en fran­çais.
Les pre­mières appli­ca­tions de la réforme litur­gique sont des appli­ca­tions qui sont dans l’ensemble modé­rées — très modé­rées même dans un cer­tain nombre de paroisses où sub­siste l’ancien rituel, mais c’est il est vrai un fait mino­ri­taire. Cer­taines paroisses (St-Louis‑d’Antin, St-Augus­tin) ont avan­cé de manière très pon­dé­rée en veillant à ne pas rompre avec l’héritage cultu­rel. C’est après 1968 qu’il y a une accé­lé­ra­tion. Les rythmes de la réforme ne seront plus les mêmes, avec sur­tout la volon­té de l’imposer comme voie unique, du jour au len­de­main.

A la manière de la révo­lu­tion de Mao, pour citer le car­di­nal Lus­ti­ger.

Exac­te­ment ! Il y a deux temps : le rythme, l’approche du temps des années soixante n’est pas la même que celle des années soixante-dix. Les années soixante-dix me paraissent mar­quées dans le domaine litur­gique comme dans le domaine pas­to­ral au sceau de l’urgence. On veut faire vite, et on veut faire sys­té­ma­tique. Alors que dans les années soixante, il y a une influence qui pro­gresse plus ou moins len­te­ment, avec la volon­té de ne pas tran­cher dans le vif. Cette période de tran­si­tion est donc une période com­plexe : les modi­fi­ca­tions s’y font par petites touches. Entre 1963 et le 1er jan­vier 1970, en France, les modi­fi­ca­tions gardent un carac­tère facul­ta­tif. En ce sens, il y a eu dans cette période un bi-ritua­lisme : le rite de St-Pie‑V conti­nuait d’être célé­bré dans un cer­tain nombre de paroisses, à cer­taines heures, concur­rem­ment avec la litur­gie en fran­çais. L’introduction du fran­çais a été la grande inno­va­tion de la période, mais elle n’a pas sou­le­vé de pro­blèmes majeurs à l’époque : il ne semble pas y avoir eu un atta­che­ment spé­cial à la langue latine dans la popu­la­tion parois­siale.

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