Revue de réflexion politique et religieuse.

Le meilleur régime ?

Article publié le 4 Avr 2009 | imprimer imprimer  | Version PDF | Partager :  Partager sur Facebook Partager sur Linkedin Partager sur Google+

C’est pour la même fin qu’ont été éla­bo­rés les pro­jets de consti­tuer les orga­ni­sa­tions fédé­rales et com­mu­nau­taires euro­péennes, ins­pi­rées selon les cri­tères tirés de l’ancien consti­tu­tion­na­lisme. Comme on le sait, il y a un par­le­ment euro­péen élu au suf­frage uni­ver­sel, et des cours char­gées de garan­tir le res­pect des droits de l’homme et la pré­émi­nence des prin­cipes du droit com­mu­nau­taire, de manière ana­logue à ce que pra­tiquent les cours consti­tu­tion­nelles des dif­fé­rents Etats. Mais au moins jusqu’ici, l’opinion com­mune est qu’il est impos­sible de par­ler d’intégration poli­tique conti­nen­tale. Plu­sieurs déplorent même un « défi­cit démo­cra­tique » étant don­né que dans les déci­sions de l’Union et dans la for­ma­tion du droit com­mu­nau­taire, ce sont les gou­ver­ne­ments asso­ciés qui pré­valent, avec les admi­nis­tra­tions, les tech­ni­ciens et les experts juri­diques.
Un symp­tôme des dif­fi­cul­tés dont nous par­lons se ren­contre dans les écrits de quelques-uns des pro­mo­teurs de l’intégration conti­nen­tale. On pré­sente par­fois comme un modèle pour la future orga­ni­sa­tion supra­na­tio­nale la Suisse, pays dont l’unité poli­tique a été for­mée à l’origine par l’entente de plu­sieurs Can­tons, c’est-à-dire d’Etats membres, avec pari­té de droits et de devoirs. En géné­ral, on évite cepen­dant d’ajouter que dans l’histoire du Vieux Conti­nent la Confé­dé­ra­tion hel­vé­tique consti­tue une excep­tion, ou une « île for­tu­née », ren­due pos­sible par des condi­tions par­ti­cu­lières sur le plan his­to­rique et géo­gra­phique : il est donc pro­blé­ma­tique de prendre une excep­tion comme para­digme d’organisation d’une exten­sion ter­ri­to­riale incom­pa­ra­ble­ment plus vaste et réunis­sant des cen­taines de mil­lions de per­sonnes.
La réfé­rence au modèle hel­vé­tique fait appa­raître une contra­dic­tion dif­fi­cile à résoudre. Des hommes poli­tiques, des finan­ciers, des uni­ver­si­taires, des intel­lec­tuels se déclarent convain­cus que le régime de la démo­cra­tie libé­rale et le consti­tu­tion­na­lisme ne pour­ra per­sis­ter, avec le plein accord des peuples euro­péens, que dans le contexte d’une union fédé­rale éten­due à tout le conti­nent. Or cin­quante ans après, la réa­li­sa­tion de cette union poli­tique paraît encore bien éloi­gnée. En Europe, la démo­cra­tie libé­rale n’a pas encore fait sa preuve défi­ni­tive. Les pré­ten­dus « pro­ces­sus démo­cra­tiques » ont jusqu’ici mon­tré qu’ils fonc­tion­naient, au moins par­tiel­le­ment, mais uni­que­ment à l’intérieur des fron­tières des vieux Etats natio­naux, mis à part la Confé­dé­ra­tion hel­vé­tique. Mais ces Etats sont aujourd’hui des orga­nismes en déca­dence qui ont per­du la capa­ci­té d’assurer les fins essen­tielles de la vie com­mune, comme la défense armée face à des périls exté­rieurs, ou un niveau d’existence mini­mum. Pour satis­faire de tels objec­tifs sur le Vieux Conti­nent, on s’est conten­té, au moins jusqu’à pré­sent, d’avoir recours non aux pro­ces­sus démo­cra­tiques nor­maux, mais, selon le cas, à la pro­tec­tion armée d’alliés plus puis­sants ou à l’action d’entités tech­no­cra­tiques.
Dix ans après la célé­bra­tion du triomphe du monde occi­den­tal sur le com­mu­nisme, le nou­vel ordre uni­ver­sel fon­dé sur l’acceptation des prin­cipes de la démo­cra­tie libé­rale et le mar­ché glo­bal, et garan­ti par la géné­reuse pro­tec­tion de la super­puis­sance amé­ri­caine, appa­raît encore bien loin d’être réa­li­sé. On peut même voir un symp­tôme de déca­dence dans le fait que les struc­tures de la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive peinent à fonc­tion­ner nor­ma­le­ment.
PIETRO GIUSEPPE GRASSO

Catho­li­ca, n. 66

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